Un bourdonnement incessant tentait de m'extirper du néant où logeait encore mon esprit fatigué. Je pouvais l'entendre se rapprocher pour mieux s'éloigner et revenir plus près à chaque fois. Qu'était-ce ? Mes yeux étaient ouverts mais ne voyaient rien. Tout était flou, l'horizon tamisé et masqué par d’écœurantes formes. J'eus subitement l'envie de me vider l'estomac quand une odeur atroce emplit enfin mes narines jusqu'alors insensibles. Qu'était-ce ? Je reconnaissais le parfum nauséabond mais n'arrivait pas à poser de nom dessus. Quelque chose m'écrasait, puissamment, horriblement. Quelque chose de poisseux et de grouillant répandait son contenu sur moi en un flot irrégulier et désagréable. Qu'était-ce ? Je me relevais brusquement, piqué à vif dans ma curiosité et battais des paupières longuement, reconnaissant tout autour de moi un vaste charnier où pourrissaient gaiement des membres arrachés et des tronçons de corps tuméfiés.

Puis j'associais finalement le bourdonnement à l'essaim de mouches qui tourbillonnait tout autour de nous, l'odeur insupportable aux corps en putréfaction et le flot désagréable à cette immense panse tranchée sur toute sa longueur qui se vidait sur moi dans un bruit répugnant. Que faisais-je là ? Je ne savais plus. Peut être m'avait-on jeté là par erreur, me croyant morte. Peut être m'y étais-je retrouvée, prise au piège d'un immense massacre. Cela importait peu, au final. Ce qui comptait vraiment, c'est que j'étais en vie et parfaitement intacte. Alors je m'extirpais de ce cimetière, laissant glisser sur moi les chairs ensanglantées et putrides avant de me frayer un chemin parmi les cadavres, le corps et les vêtements couverts encore de sang et de souillures.

Une douche, j'avais besoin d'une douche. Je me jetais donc la tête la première dans une fontaine non loin de là et me laissais couler au fond pour y rester plusieurs minutes, me frottant énergiquement la peau jusqu'à ce que celle ci soit passablement claire et propre. Puis, je passais une main dans mes cheveux de jais et les nettoyais comme je le pouvais de cette pâte brune et verdâtre qui les avait liés ensemble. Au bout d'un long moment, me jugeant plus présentable, je daignais finalement sortir de ma baignoire improvisée, matérialisant sur ma peau une tenue plus acceptable et immaculée, un uniforme négligemment porté. Et maintenant ? Il était clair que je n'avais pas mangé depuis un bon moment et qu'il fallait que je calme ma faim grandissante. Je me dirigeais donc vers la cafétéria, en apparence sereine mais d'une humeur massacrante.

- Un… Un insecte. Hum.

Je regardais l'énorme blatte filer entre les tables sans piper mot puis reportais mon attention sur celle qui venait de s'exprimer inutilement à voix haute comme s'il s'agissait là d'une créature en voie de disparition. Ne l'avais-je point déjà vu ? Il me semblait que si mais je ne trouvais de nom à ce délicieux visage que j'aurais pourtant adorer connaître. Je la suivis du regard longuement puis me décida à la suivre, mon repas ayant déjà terminé au fond de mon estomac désormais repu. Je ne cherchais pas à la dépasser, ni même à arriver à sa hauteur. Je me contentais de détailler l'arrière de son corps pourtant si peu à mon goût comme une bête curieuse et affamée. Quand avais-je pour la dernière fois laisser mes crocs se refermer sur une chair tendre et féminine ? Mon dernier coup remontait à si loin que la jeune femme devant moi, peu appétissante quand on connaissait mes goûts, aurait très largement pu satisfaire mon envie de bête.

-Lady ~

J'agrippais du bout des doigts le tissu de ses habits et attirais son attention, souriante, aguicheuse, à mon interlocutrice qui avait réussi à titiller mes envies. Devais-je la plaquer au sol toute suite ou pouvais-je attendre son accord pour mieux la baiser ? Je lui laissais sa chance de se rendre de gré ou de force et l’auscultais attentivement, ma langue humidifiant légèrement ma bouche afin de la rendre plus agréable. Par où allais-je commencer ? Ses lèvres ? Ses seins ? Ses cuisses ? Ses fesses ? Où mes lèvres allaient-elle se plaire en premier ? Mon regard descendait lentement, inspectant chaque partie de chair dénudée puis remontait vers ses yeux, plus moqueur et pervers que jamais.

-Quel est votre nom ?

Ketsuki ? Mon corps frémit de lui-même à l'entente d'un tel nom. Ketsuki vraiment ? Alors cette créature était l’enfant de la compagne de Dead Master ? Cette blonde femme à la compagnie si attrayante ? Je l'examinais des pieds à la tête et lui souris largement. Elle n'avait ni son allure, ni son éloquence et encore moins son élégance. Croyait-elle pouvoir ainsi prétendre être de la même lignée ? Foutaises et même si elle semblait effectivement croire à cette histoire, folle qu'elle était, il était clair que tout cela était inventé de toutes pièces. Je m'approchais donc d'elle jusqu'à pouvoir sentir son souffle chaud et irrégulier sur mes lèvres et chuchotais langoureusement :

-Alors si tu es la fille d'Akiha, je suppose qu'elle n'apprécierait pas que je fasse ça ~

Sans crier gare, je dérobais un long baiser à la jeune fille, lui laissant peu de temps pour réagir à mon geste. Puis je me reculais, dévisageant la pauvre chose qui me faisait face et qui peinait à aligner ne serait-ce que quelques mots, toute gênée qu'elle était. L'envie ne manquait pas bien sûr de me repaître de son jeune corps mais j'avais encore mes manières et je n'usais de violence qu'en dernier recours. Je feignais donc l'innocence et ricanais comme une enfant face à son éventuel étonnement. Je ne devais point l'effrayer. Si je pouvais obtenir ce que je voulais avec son consentement, cela serait beaucoup plus agréable pour nous deux.

-Je t'excuses … Allons-nous amuser ~

Je saisissais sa main, l'air rieur et l'entraînais vers le parc, ne me retournant vers elle que pour lui jeter des regards affamés et sauvages. Comment allais-je m'y prendre ? Il y avait tant de possibilités, tant de lieux où sévir que je me retrouvais hésitante. Je laissais ainsi mes envies me mener, si bien qu'il nous fallut plusieurs minutes avant d'atteindre l'endroit idéal : un petit coin d'herbe, caché du reste du monde par des arbustes et de longs parterres de plantes hautes. Je me tournais vers ma proie et l'invitais à prendre place, me laissant moi-même tomber au milieu des fleurs paressant au soleil. Le lieu était agréable, il me plaisait terriblement. C'était donc là que j'allais me sustenter, ma décision était prise et la demoiselle qui m'accompagnait n'avait visiblement pas le choix. Je tirais sur sa main, la déséquilibrant et l'amenais au dessus de mon corps.

-Une lady telle que toi ne devrait pas traîner seule … Il y a bien trop de loups dans les parages ~